Passer au contenu

/ Département de chimie

Je donne

Rechercher

Navigation secondaire

Économie circulaire : l'Europe et l'Asie en tête de peloton

 

Selon le Global Footprint Network, la Terre met une année et demie à régénérer les ressources que l'activité humaine consomme en une seule année. Devant cette empreinte écologique déficitaire et les phénomènes perturbateurs qui en découlent, plusieurs pays et organisations internationales cherchent à favoriser un mode de production qui limitera de manière radicale le gaspillage des matières premières et des sources d'énergies non renouvelables.

 

Parmi les pays en tête du mouvement, l'Allemagne, qui a voté dès le début des années 90 deux lois relatives à l'économie circulaire. Les Pays-Bas et les pays scandinaves ont aussi mis en place des mesures législatives en ce sens au cours des dernières années. La France, quant à elle, promulguait en août 2015 une loi sur la transition énergétique, tandis que la Commission européenne adoptait, en décembre dernier, un train de mesures visant à faciliter le passage de l'Europe à une économie circulaire.

Outre une étude du Club de Rome, dévoilée en octobre passé, qui concluait que la transition de cinq pays européens vers cette nouvelle économie offrira des avantages sociétaux, économiques et environnementaux importants, un rapport commandé par la Fondation Ellen MacArthur sur l'économie circulaire avait été positivement accueilli par les participants du Forum économique mondial à Davos il y a deux ans.

Ce rapport indiquait, entre autres, qu'une gestion et une utilisation améliorées des matières premières dans le monde pourraient procurer des économies de l'ordre de 1000 G$ par an. Et qu'une migration vers une économie circulaire permettrait de créer 500 000 emplois en Europe seulement.

Du côté asiatique, le Japon a amorcé le virage il y a déjà 25 ans, avec un cadre législatif exhaustif pour circulariser son économie. En Chine, une loi sur la promotion de l'économie circulaire est en vigueur depuis 2009.

Avancées modestes en Amérique

«Le déploiement d'une économie circulaire s'accélère en Europe et en Asie, mais, au Québec et dans le reste de l'Amérique du Nord, les avancées sont encore modestes», convient Daniel Normandin, directeur général de l'Institut de l'environnement, du développement durable et de l'économie circulaire (EDDEC).

Mis sur pied en 2014 par une collaboration entre HEC Montréal, Polytechnique Montréal et l'Université de Montréal, l'Institut de l'EDDEC est constitué d'un bassin d'environ 400 chercheurs de toutes disciplines, dont 70 réfléchissent sur la thématique de l'économie circulaire. Leur travail consiste à étudier le phénomène et à parfaire ce modèle économique pour qu'il réponde davantage aux objectifs d'un développement durable.

Selon le directeur scientifique de l'Institut, Sébastien Sauvé, la création de l'organisme a permis de faire des avancées notables, notamment sur le plan de la conscientisation. «Le maire de Montréal et les ministres québécois responsables de l'environnement et des ressources naturelles sont désormais sensibilisés à ce phénomène mondial», mentionne celui qui est aussi professeur au Département de chimie de l'UdeM.

«D'après les études disponibles, l'économie circulaire pourrait devenir la norme d'ici 25 ans autant dans les pays émergents que dans les pays développés, estime Daniel Normandin. Les gouvernements doivent maintenant envoyer des signaux forts d'accompagnement pour inciter tous les acteurs à collaborer à la transition.»

Des questions à élucider

Toutefois, les implications sociales, environnementales et économiques des différents modèles d'affaires et d'échanges qu'englobe le principe de l'économie circulaire demeurent peu étudiées.

«Plusieurs questions restent à élucider, disent MM. Normandin et Sauvé. Est-ce que certains modèles risquent d'accentuer les écarts de richesse? Dans quels contextes peuvent-ils renforcer la cohésion sociale? Quels seront les nouveaux rapports de force socioéconomiques et leurs effets sur les conditions de travail?»

«La logique des acteurs de cette mutation économique reste encore implicitement réduite à une rationalité économique», fait remarquer Paul Sabourin, professeur de sociologie à l'Université de Montréal.

M. Sabourin relève que l'engouement pour ce modèle repose sur l'arrivée d'Internet jumelée aux données de masse (big data). «Cette généralisation d'une économie circulaire technologique pose aussi de nombreuses questions au chapitre du contrôle des biens, qui ne seront plus la propriété des usagers, et de la planification centralisée des ressources par des entreprises privées ou des gouvernements», souligne-t-il.

Surtout, cette nouvelle économie ne saura être la solution «si elle incite les gens à consommer plus : puisque les consommateurs sont le pivot du changement tant désiré, il faut chercher à mieux comprendre leurs pensées et leurs initiatives devant les contraintes écologiques anticipées, au-delà d'une vision en termes d'ingénierie sociale», conclut Paul Sabourin.

Martin Lasalle

Collaboration spéciale pour le journal Le Devoir du 2 avril 2016.

À lire aussi